Français         English         Español

Federico García Lorca
(1898-1936)

Llanto por Ignacio Sanchez Mejias







10ko


Le coup de corne et la mort triangle

A mi querida amiga Encarnación López Júlvez

A cinq heures du soir.
Il était juste cinq heures du soir.
Un enfant apporta le blanc linceul
à cinq heures du soir.
Le panier de chaux déjà prêt
à cinq heures du soir.
Et le reste n'était que mort,rien que mort
à cinq heures du soir.

Le vent chassa la charpie
à cinq heures du soir.
Et l'oxyde sema cristal et nickel
à cinq heures du soir.
Déjà luttent la colombe et le léopard
à cinq heures du soir.
Et la cuisse avec la corne désolée
à cinq heures du soir.
Le glas commença à sonner
à cinq heures du soir.
Les cloches d'arsenic et la fumée
à cinq heures du soir.
Dans les recoins, des groupes de silence
à cinq heures du soir.
Et le taureau seul, le coeur offert!
A cinq heures du soir.
Quand vint la sueur de neige
à cinq heures du soir,
quand l'arène se couvrit d'iode
à cinq heures du soir,
la mort déposa ses oeufs dans la blessure
à cinq heures du soir.
A cinq heures du soir.
Juste à cinq heures du soir.

Un cercueil à roues pour couche
à cinq heures du soir.
Flûtes et ossements sonnent à ses oreilles
à cinq heures du soir.
Déjà le taureau mugissait contre son front
à cinq heures du soir.
La chambre s'irisait d'agonie
à cinq heures du soir.
Déjà au loin s'approche la gangrène
à cinq heures du soir.
Trompe d'iris sur l'aine qui verdit
à cinq heures du soir.
Les plaies brûlaient comme des soleils
à cinq heures du soir,
et la foule brisait les fenêtres
à cinq heures du soir.
A cinq heures du soir.
Aïe, quelles terribles cinq heures du soir!
Il était cinq heures à toutes les horloges.
Il était cinq heures à l'ombre du soir!

Traduction originale du poème en français; Sylvie Corpas© et Nicolas Pewny©:
(traduction agréée par la Fondation et les héritiers de Garcia Lorca)

***

La cogida y la muerte triangle

A mi querida amiga Encarnación López Júlvez

A las cinco de la tarde.
Eran las cinco en punto de la tarde.
Un niño trajo la blanca sábana
a las cinco de la tarde.
Una espuerta de cal ya prevenida
a las cinco de la tarde.
Lo demás era muerte y sólo muerte
a las cinco de la tarde.

El viento se llevó los algodones
a las cinco de la tarde.
Y el óxido sembró cristal y níquel
a las cinco de la tarde.
Ya luchan la paloma y el leopardo
a las cinco de la tarde.
Y un muslo con un asta desolada
a las cinco de la tarde.
Comenzaron los sones del bordón
a las cinco de la tarde.
Las campanas de arsénico y el humo
a las cinco de la tarde.
En las esquinas grupos de silencio
a las cinco de la tarde.
¡Y el toro solo corazón arriba!
a las cinco de la tarde.
Cuando el sudor de nieve fué llegando
a las cinco de la tarde,
cuando la plaza se cubrió de yodo
a las cinco de la tarde,
la muerte puso huevos en la herida
a las cinco de la tarde.
A las cinco de la tarde.
A las cinco en punto de la tarde.

Un ataúd con ruedas es la cama
a las cinco de la tarde.
Huesos y flautas suenan en su oído
a las cinco de la tarde.
El toro ya mugía por su frente
a las cinco de la tarde.
El cuarto se irisaba de agonía
a las cinco de la tarde.
A lo lejos ya viene la gangrena
a las cinco de la tarde.
Trompa de lirio por las verdes ingles
a las cinco de la tarde.
Las heridas quemaban como soles
a la cinco de la tarde,
y el gentío rompía las ventanas
a la cinco de la tarde.
A las cinco de la tarde.
¡Ay qué terribles cinco de la tarde!
¡Eran las cinco en todos los relojes!
¡Eran las cinco en sombra de la tarde!







12ko






11ko

***

The Goring and the Death triangle

A mi querida amiga Encarnación López Júlvez


At five in the afternoon.
It was exactly five in the afternoon.
A boy brought the white sheet
at five in the afternoon.
A basketful of lime in readiness
at five in the afternoon.
Beyond that, death and death alone
at five in the afternoon.

The wind carried off wisps of cotton
at five in the afternoon.
And oxide dispersed glass and nickel
at five in the afternoon.
Dove locked in struggle with leopard
at five in the afternoon.
A thigh with a horn of desolation
at five in the afternoon.
The bass strings began to throb
at five in the afternoon
The bells of arsenic, the smoke
at five in the afternoon.
At street corners silence clustering
at five in the afternoon.
Only the bull with upbeat heart
at five in the afternoon.
When snow-cold sweat began to form
at five in the afternoon,
when iodine had overspread the ring
at five in the afternoon
death laid eggs in the wound
at five in the afternoon.
At five in the afternoon.
At exactly five in the afternoon.

A coffin on wheels is the bed
at five in the afternoon.
Bones and flutes resound in his ear
at five in the afternoon.
The bull was bellowing in his face
at five in the afternoon.
Death pangs turned the room iridescent
at five in the afternoon.
In the distance gangrene on the way
at five in the afternoon.
Lily-trumpet in the verdant groin
at five in the afternoon .
The wounds burned with the heat of suns
at five in the afternoon,
and the throng burst through the windows
at five in the afternoon.
At five in the afternoon.
Horrifying five in the afternoon!
The stroke of five on every clock.
The dark of five in the afternoon.

Translated by A. Trueblood©











7ko

Le sang répandu triangle

A mi querida amiga Encarnación López Júlvez


Non! Je ne veux pas le voir!

Dis à la lune qu'elle vienne,
car je ne veux pas voir le sang
D'Ignacio sur le sable.

Non! Je ne veux pas le voir!

La lune grande ouverte.
Cheval de nuages calmes,
et l'arène grise du songe
avec des saules aux barrières.

Non! Je ne veux pas le voir!
Mon souvenir se consume.
Prévenez les jasmins
à la blancheur menue!

Non! Je ne veux pas le voir!

La vache de l'ancien monde
passait sa triste langue
sur un mufle plein des sangs
répandus dans l'arène,

et les taureaux de Guisando,
moitié mort et moitié pierre,
mugirent comme deux siècles
las de fouler le sol.

Non.
Non! Je ne veux pas le voir!

Par les gradins monte Ignacio
toute sa mort sur les épaules.
Il cherchait l'aube,
et ce n'était pas l'aube.
Il cherche la meilleure posture,
et le songe l'égare.
Il cherchait son corps splendide,
et trouva son sang répandu.

Ne me demandez pas de regarder!
Je ne veux pas voir le flot
qui perd peu à peu sa force,
ce flot de sang qui illumine
les gradins et se déverse
sur le velours et le cuir
de la foule assoiffée.
Qui donc crie de me montrer?
Ne me demandez pas de le voir!

Il ne ferma pas les yeux
quand il vit les cornes toutes proches,
mais les mères terribles
levèrent la tête.

Et à travers les troupeaux,
s'éleva un air de voix secrètes,
cris lancés aux taureaux célestes
par des gardiens de brume pâle.

Il n'y eut de prince à Séville
qu'on puisse lui comparer,
ni d'épée comme son épée,
ni de coeur aussi entier.

Comme un fleuve de lions
sa force merveilleuse,
et comme un torse de marbre
sa prudence mesurée.

Un souffle de Rome andalouse
nimbait d'or son visage,
où son rire était un nard
d'esprit et d'intelligence.

Quel grand torero dans l'arène!
Quel grand montagnard dans la montagne!
Si doux avec les épis!
Si dur avec les éperons!
Si tendre avec la rosée!
Eblouissant à la féria!
Si terrible avec les dernières
banderilles des ténèbres!

Mais voilà qu'il dort sans fin.
Et la mousse et l'herbe
ouvrent de leurs doigts sûrs
la fleur de son crâne.

Et son sang s'écoule en chantant,
chantant à travers prairie et marais,
glissant sur des cornes glacées,
son âme chancelant dans la brume,
trébuchant sur mille sabots,
comme une longue, obscure et triste langue,
pour former une mare d'agonie
auprès du Guadalquivir des étoiles.

Oh! Mur blanc d'Espagne!
Oh! Noir taureau de douleur!
Oh! Sang dur d'Ignacio!
Oh! Rossignol de ses veines!

Non.
Non! Je ne veux pas le voir!
Il n'est pas de calice qui le contienne,
ni d'hirondelles qui le boivent,
ni givre de lumière qui le glace,
ni chant, ni déluge de lis,
il n'est de cristal qui le couvre d'argent.
Non!
Non! Je ne veux pas le voir!!

Traduction originale du poème en français; Sylvie Corpas© et Nicolas Pewny©:
(traduction agréée par la Fondation et les héritiers de Garcia Lorca)










12ko

***

La cogida y la muerte triangle

A mi querida amiga Encarnación López Júlvez


¡Que no quiero verla!

Dile a la luna que venga,
que no quiero ver la sangre
de Ignacio sobre la arena.

¡Que no quiero verla!

La luna de par en par.
Caballo de nubes quietas,
y la plaza gris del sueño
con sauces en la barreras.

¡Que no quiero verla!
Que mi recuerdo se quema.
¡Avisad a los jazmines
con su blancura pequeña!

¡Que no quiero verla!

La vaca del viejo mundo
pasaba su triste lengua
sobre un hocico de sangres
derramadas en la arena,

y los toros de Guisando,
casi muerte y casi piedra,
mugieron como dos siglos
hartos de pisar la tierra.

No.
¡Que no quiero verla!

Por las gradas sube Ignacio
con toda su muerte a cuestas.
Buscaba el amanecer,
y el amanecer no era.
Busca su perfil seguro,
y el sueño lo desorienta.
Buscaba su hermoso cuerpo
y encontró su sangre abierta.

¡No me digáis que la vea!
No quiero sentir el chorro
cada vez con menos fuerza;
ese chorro que ilumina
los tendidos y se vuelca
sobre la pana y el cuero
de muchedumbre sedienta.
¡Quién me grita que me asome!
¡No me digáis que la vea!

No se cerraron sus ojos
cuando vió los cuernos cerca,
pero las madres terribles
levantaron la cabeza.

Y a través de las ganaderías,
hubo un aire de voces secretas
que gritaban a toros celestes,
mayorales de pálida niebla.

No hubo príncipe en Sevilla
que comparársele pueda,
ni espada como su espada
ni corazón tan de veras.

Como un río de leones
su maravillosa fuerza,
y como un torso de mármol
su dibujada prudencia.

Aire de Roma andaluza
le doraba la cabeza
donde su risa era un nardo
de sal y de inteligencia.

¡Qué gran torero en la plaza!
¡Qué gran serrano en la sierra!
¡Qué blando con las espigas!
¡Qué duro con las espuelas!
¡Qué tierno con el rocío!
¡Qué deslumbrante en la feria!
¡Qué tremendo con las últimas
branderillas de tiniebla!

Pero ya duerme sin fin
Ya los musgos y la hierba
abren con dedos seguros
la flor de su calavera.

Y su sangre ya viene cantando:
cantando por marismas y praderas,
resbalando por cuernos ateridos,
vacilando sin alma por la niebla,
tropezando con miles de pezuñas
como una larga, oscura, triste lengua,
para formar un charco de agonía
junto al Gualdalquivir de las estrellas.

¡Oh blanco muro de España!
¡Oh negro toro de pena!
¡Oh sangre dura de Ignacio!
¡Oh ruiseñor de sus venas!

No.
¡Que no quiero verla!
Que no hay cáliz que la contenga,
que no hay golondrinas que se la beban,
no hay escarcha de luz que la enfríe,
no hay canto ni diluvio de azucenas,
no hay cristal que la cubra de plata.
No.
¡¡Yo no quiero verla!!










12ko









11ko

***

The spilled blood triangle

A mi querida amiga Encarnación López Júlvez


No, I refuse to see it!

Tell the moon to come -
I refuse to see the blood
of Ignacio on the sand.

No, I refuse to see it!

The moon opened wide

trotting through quiet clouds
and the gray bullring of a dream
with willows at the palings.

No, I refuse to see it!
The remembering burns.
Send word to the jasmine
to bring its tiny whiteness.

No, I refuse to see it.

The cow of this ancient world
was running her dreary tongue
over snoutfuls of blood
spilled across the sand

and the bulls of Guisando,
almost death and nearly stone,
lowed like two centuries
tired of treading earth.

No.
I refuse to see it!

Ignacio mounts the steps,
shouldering his full death.
He looked for daybreak
and daybreak there was none.
He seeks the clean line of his profile
and sleep leads him astray.
He looked for his shapely body
and found his gaping blood.

Don't tell me I have to see it.
I don't want to feel the spurts
slowly subsiding,
the gushes glistening
on the bleachers, spilling
on the corduroy and leather
of bloodthirsty masses.
Who shouts for me to come look?
Don't tell me I have to see it.

His eyes did not shut
when he saw the horns close in
but the terrible mothers
lifted their heads to watch.

And sweeping the herds of cattle
came an air of secret voices
called out to bulls of heaven
by pale ranchers of mist.

No prince ever was in Seville
that could even approach him,
no sword like his sword,
no heart so truly a heart.

Like a river of lions
the marvel of his strength,
and like a marble torso
the contour of his prudence.

An air of Rome's Andalusia
hung golden about his head,
while his loughter was as spikenard-
all intelligence and wit.

What a great fighter inthe ring!
What a good mountaineer on the heights!
How gentle toward ears of grain!
How harsh applying the spurs!
How tender toward the dew!
How dazzling at the fair!
How magnificent when he wielded
the last banderillas of the dark.

But his sleep now is unending.
Now mosses and grass
pry open with practiced fingers
the flower of his skull.
And his blood now courses singing,
sings through salt marshes and meadows,
slides over stone-cold horns,
gropes soulless through the mist,
comes up against thousands of hooves
like some long, dark tongue of sadness,
to end in a pool gasping death
by the Guadalquivir of the stars.

Oh white wall of Spain!
Oh black bull of sorrow!
Oh hardened blood of Ignacio!
Oh nightingale of his veins!

No.
I refuse to see it!
There's no chalice to contain it,
no swallow to drink it up,
no glittering rime to chill it,
no chant, no outpouring of lilies,
no crystal to sheathe it in silver.
No.
I won't look at it, ever!

Translated by A. Trueblood©










13ko

***



Page suivante Llanto por Ignacio Sanchez Mejias (suite) (Español · Français · English)
Retour à la liste des poèmes de Federico García Lorca
Retour à la liste des poètes d'hier
Retour au sommaire du Jardin des Muses

***

Chef d'oeuvre · Obra · Artwork:   August Puig ©.
Présentation complète sur le site de : Nicolas Pewny©

Les Editions du Choucas ont publié le livre CORRIDA avec les 69 huiles de Puig et les tauromachies de Goya et de Picasso dans leur intégralité. La présentation, la conception, et la traduction en français et en espagnol sont de Nicolas Pewny tous droits reservés
Las Editions du Choucas han publicado el libro CORRIDA con los 69 oleos de Puig y con las Tauromaquias de Goya y Picasso en sus totalidad.
Editions du Choucas has published the book CORRIDA with the 69 Puig's oils and with the tauromachies of Goya and Picasso in their enterity.

This site is beautifully viewed with Microsoft Internet Explorer

Dernière modification de ce document: